Transcription de lémission BULLES DE REVES,
Fenêtre animation de BULLES NOIRES.
Radio libertaire (FM 89.4)
Samedi 17 novembre 2001, 17 à 19 heures.
Emission animée par :
Olivier Catherin
Serge Kornmann
Marina Feodoroff
avec pour invités :
Sylvie Saerens, arrière petite-fille dEmile Reynaud,
Béatrice Martin-Starewitch, petite-fille de Ladislas Starewitch,
Pierre Courtet-Cohl, petit-fils dEmile Cohl.
Ces extraits ne reprennent que ce qui concerne Ladislas Starewitch mais vous pouvez contacter directement :
* Sylvie Saerens et lassociation Les Amis dEmile Reynaud qui publie un bulletin (quatre numéros par an).
Les Amis dEmile Reynaud
B.P. 18
94550 Chevilly LaRue
tél : 01 45 47 74 14
* Pierre Courtet-Cohl : Tél / fax : 01 46 61 23 18
* ou bien lassociation Les Indépendants du Premier Siècle qui regroupe les descendants de tous ces pionniers du cinéma... et dautres.
* ou bien lAssociation Française du Cinéma dAnimation, A.F.C.A. :
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Intervention de Béatrice Martin-Starewitch
[entre crochets ont été ajoutées certaines précisions]
Olivier Catherin : Parti de Kaunas, passé par Moscou, Ladislas Starewitch est arrivé en France, cest un drôle de parcours, il se sentait quoi, à votre avis, Ladislas Starewitch ?
Béatrice Martin-Starewitch : Oh, je dirais un citoyen du monde...
Olivier Catherin : ...un citoyen du monde !
Béatrice Martin-Starewitch : Oh oui, cela ne me pose pas de problème.
Olivier Catherin : Cela ne pose pas de problème.
Béatrice Martin-Starewitch : Lorthographe du nom Starewitch, wicz ou vitch peut poser un problème. Lorigine, maintenant, en pose moins, parce que cet été mon mari ma emmenée en Lituanie dans le village des ancêtres de mon arrière grand-père, qui sappelle SurviliSkis. Là, vous avez le goudron, les routes sont très, très bonnes et tout-à-coup le goudron sarrête, il ny a plus que de la piste, et vous avez des maisons magnifiques, de bois, qui sont grandes mais petites à la fois, qui sont complètement en harmonie avec la nature et quand vous allez dans ce village, vous pouvez comprendre pourquoi Starewitch était tel quil était. En plus en allant en Lituanie, jai découvert que, jusquà présent pour moi, lorigine du mot Starewitch était un peu russe, " witch " voulant dire " de ", " stare " voulant dire " vieux ", ce nétait pas un problème, puis jai rencontré quelquun qui ma dit : " stare " veut dire " cigogne " en lituanien. Alors, si " stare " veut dire " cigogne " en lituanien, cest totalement en harmonie avec Starewitch et ça me plaît beaucoup plus que " vieux " (rires). Donc jai fait mon choix ; dautant plus que quand vous faites le voyage, cela fait, quoi ?, un aller-retour de cinq mille kilomètres, vous êtes accompagnés par les vols de cigognes. A partir de la Pologne, cest absolument fabuleux. Alors son origine est lituanienne et il est né à Moscou. On peut dire aussi en quelque sorte que cest un miraculé puisque son père faisait partie de linsurrection de 1863 et a été emmené en déportation pour aller au ... Goulag... enfin !
Olivier Catherin : en Sibérie...
Béatrice Martin-Starewitch : ...en Sibérie, voilà. Et sur le chemin de cette déportation, il a été extrait de la colonne des déportés pour devenir travailleur à lhôpital Galitsine de Moscou qui venait de perdre son pharmacien. Grâce à ses compétences, donc, il nest pas mort et cest comme cela que quelques années après mon grand-père a pu naître, à Moscou ! Voilà.
Olivier Catherin : Donc, toute la première partie de sa carrière, on le sait peut-être assez peu en France, sest passée en Russie où il a fait beaucoup, beaucoup de films à partir de 1910. Cest un cinéma très particulier, cest le premier à avoir vraiment fait en continu des films de marionnettes, alors, doù cela lui est-il venu ? On a des éléments de réponses ?
Béatrice Martin-Starewitch : Son premier film, il la fait en Lituanie, Sur le Niemen, en 1909 et cest un film dethnographie parce quà la base, cétait un autodidacte qui sest fait mettre à la porte de lécole parce quil préférait aller voir les papillons plutôt que découter et faire les salutations religieuses obligatoires. Mais cétait un scientifique et, il avait, avec un de ses professeurs, à Kovno [actuellement Kaunas], créé un musée ethnographique. Il était entomologue et il voulait expliquer à ses élèves, à ses camarades , etc..., comment les insectes vivaient et cest ainsi quil a commencé le cinéma danimation image par image. Cétait en 1910 : quinze mètres à partir dinsectes naturalisés auxquels il a donné des mouvements par les poses. Cétait une bande de quinze mètres.
Olivier Catherin : Lucanus Cervus, cest ça ?
Béatrice Martin-Starewitch : Voilà : Lucanus Cervus, Lucarnes Cerfs-volants, les gros hannetons, les gros insectes qui étaient beaucoup plus gros à lépoque que maintenant, et cest extraordinaire, à travers son uvre et les collections dinsectes que nous avons, de voir quau fil des années et des décennies les animaux ont beaucoup évolué, ont beaucoup perdu de leur caractère dorigine. Par exemple, je me souviens, il y a encore une trentaine dannées, quand on passait dans les rues de Paris, on avait des hannetons qui nous tombaient sur la tête, des hannetons... Cest fini ça, il ny a plus de Lucanes qui nous tombent sur la tête. Ils sont de plus en plus petits et en voie de disparition, ça cest... étonnant. Enfin, cest regrettable.
Alors donc en Russie, il est allé à Moscou travailler pour Khanjonkov et tourner des films, avec des acteurs, entre autres Mosjoukine ; dans ses films, il mettait toujours de lanimation. Et aussi des films scientifiques, parce que Khanjonkov qui est un grand producteur russe, un homme extraordinaire et remarquable, était un philanthrope et a aussi fait faire des films scientifiques à ses réalisateurs, il était extraordinaire dans tous les domaines de la recherche.
Olivier Catherin : Finalement, il a touché un peu à tout. Il a commencé en faisant des films documentaires, des films scientifiques danimation qui sont devenus ensuite de véritables petites histoires et puis des films de fiction, même des longs métrages de fiction. Et ils existent encore ces films, non, je ne pense pas ?
Béatrice Martin-Starewitch : Alors en Russie, il a tourné..., que jadditionne..., quarante-sept films en Russie. En tout, ça fait soixante-dix-huit films, en fait, entre la Russie et la France. Il y a à peu près quatre-vingt films. En Russie il doit en rester treize, certains avec Mosjoukine ; il a illustré beaucoup Krilov, Gogol, Lermontov, des grandes légendes avec beaucoup, beaucoup, deffets spéciaux.
Par exemple il avait des relations avec les acteurs qui étaient un peu tendues parce quil demandait à une grande actrice du Théâtre russe de sallonger, de ne plus bouger, cétait insupportable, donc elle tempêtait, tapait du pied, cétait impossible ! On lempêchait de faire son travail ! Et une fois quelle voyait le résultat sur lécran avec les effets spéciaux quil avait fait, elle se voyait nager dans les eaux ou monter dans les nuages, elle trouvait que cétait extraordinaire. Donc... cétait... un homme étonnant !
Olivier Catherin : Cet aspect là de sa filmographie est un peu passée sous silence quand on regarde les dictionnaires et les histoires du cinéma, cest vrai quon ne parle que de lanimateur, du cinéaste danimation...
Béatrice Martin-Starewitch : ... parce quon na pas la possibilité de voir les films russes en fait. En dehors des festivals...
Olivier Catherin : ... ils existent ? Il y en a pas mal qui restent ?
Béatrice Martin-Starewitch : Il en reste, il en reste. Quand Khanjonkov a quitté la Russie, il est parti en emportant en Europe, en Italie [Khanjonkov sinstalle finalement en Allemagne jusquen 1923], un seul film, cétait un film de Starewitch qui sappelait Stella Maris, LEtoile de mer, il paraît que cétait extraordinaire, que cétait une merveille et, une merveille parmi dautres, Ruslan et Ludmilla, ou bien Yola... Cétait des films qui étaient tous extraordinaires parce que Starewitch y avait mis sa touche. Et on nen parle pas parce quil est difficile de les faire sortir.
Il ny a que les festivals qui les montrent. Par exemple à Pordenone, il y a une quinzaine dannées [en 1989], il y a eu une rétrospective et on en a vus quelques uns. A Annecy [Festival international du film danimation] en 91 quand on a fait une rétrospective consacrée à Ladislas Starewitch, la Cinémathèque russe a montré beaucoup de films russes. On a même pu à ce moment là comparer les deux Roman de Renard : le Reineke Fuchs, la version allemande qui circule en Allemagne et la version française, ce qui très intéressant du point de vue de lhistorique de ce film qui a connu pas mal de déboires et qui est le seul long métrage danimation de Starewitch, les autres étant des courts métrages qui durent jusquà trente-cinq minutes, entre quinze et trente-cinq minutes.
Olivier Catherin : Il quitte la Russie en 1919 pour venir sinstaller en France...
Béatrice Martin-Starewitch : Il met deux ans pour venir. Il sinstalle en France. En fait tous les Russes du train étaient partis pour aller en Italie, et arrivés en Italie, ils ont été extrêmement déçus parce que... ils étaient partis, on leur avait promis un studio et puis quand ils sont arrivés on leur a dit... " Mais enfin, quand même, il ne fallait pas nous croire ! " Donc, là, ils se sont tous évaporés, qui en Allemagne, qui aux Etats-Unis, etc... et Starewitch est allé en France.
Olivier Catherin : Donc il sest dit " Je vais continuer mon uvre cinématographique...". Comment ? Il avait les films avec lui ?
Béatrice Martin-Starewitch : ça... il avait tout son savoir-faire. Il avait 38 ans, quand il a quitté la Russie il était au summum dune carrière où tout le monde attendait de lui beaucoup de nouveaux films. Il était considéré comme un dieu. Les Anglais étaient persuadés quil dressait les fourmis, par exemple. Et puis comme il était très taquin, il laissait les gens dans lignorance. Pourquoi leur aurait-il expliqué ce quil faisait puisque ça amusait et que ça plaisait comme ça. Mais quand il est arrivé, il avait tout son savoir-faire, et je pense, justement, quun film comme Dans les Griffes de laraignée de 1920 était un film en gestation, quil y avait des rushes, quelque chose qui était prêt. Mais, de Russie ? Je suis en train de rechercher dans mes stocks de nitrate, des films, des morceaux dun film que je restaure et je tombe sur dautres morceaux, et là je suis tombée sur un morceau où il y a écrit " 1914, extrait de film ", il y en a un autre de 20, donc il y aurait au moins ce petit bout quil aurait rapporté de Russie. Par exemple pour Lucanus Cervus, je nai quune photo.
Olivier Catherin : mmm...
Béatrice Martin-Starewitch : Et les films russes qui sont restés en Russie sont conservés au Gosfilmofond, mais pour ce petit bout de film de 14 qui dure quelques secondes... ça me ferait plaisir de... je vais le restaurer. En sortant dici, jy cours... (rires)... Vous plaisantez, mais vous allez être surpris ! Non, quand il est arrivé il avait des grosses malles, il y avait du matériel, il nest pas arrivé les mains vides.
Olivier Catherin : Donc quand il est arrivé en France, il a fondé son studio ? Mais il faut des fonds...
Béatrice Martin-Starewitch : Oh, non, ! Il na pas fondé son studio tout de suite. Il a travaillé pendant environ deux ans. Il a acheté son studio environ une année ou deux après être arrivé et en attendant il a travaillé pour dautres et comme il y avait quelques petites rancurs dans la communauté russe immigrée, on lui donnait les tâches les plus difficiles à faire. Comme, par exemple, filmer dans le bois de Vincennes les chevaux qui devaient sauter au galop par dessus les petites rivières... mais il fallait quil soit couché dans leau, la caméra hors de leau pour filmer, sinon ça nallait pas... (rires)... en plein hiver... vous voyez ce genre de petites choses très plaisantes. Bon, il a très vite acheté une maison, en 1924, à Fontenay-sous-Bois où il est resté jusquen 1965. Et puis, là, il la étendue, agrandie, il a fait son studio là.
Olivier Catherin : Il a trouvé les moyens de produire ses films lui-même, tout seul ?
Béatrice Martin-Starewitch : Oui, oui. Les films comme LEpouvantail, La Petite chanteuse étaient des pochades quil faisait pour lui, pour sa famille, parce quil avait deux filles et une femme quil aimait beaucoup, et il aimait beaucoup à Noël, enfin, tout moment était un moment pour faire la fête et donc il faisait des films... Ce sont des films que jai restaurés mais qui, à mon avis, nétaient pas destinés, au départ, à la vente. Cest après que les gens prenaient les films, la bobine, sous le bras et allaient les vendre. Donc il faisait, il produisait ses films tout seul jusque dans les années 29-30.
Après, tout a pris dautres dimensions... je pense par exemple au film Le Roman de Renard, pour lequel il y a eu un autre producteur. Il a travaillé avec Louis Nalpas. Pour LHorloge magique, déjà, le producteur était Louis Nalpas. Cest un film qui existe encore, qui montre vraiment toutes les facettes, tout le talent, tout lhumanisme, toute sa générosité, sa fantaisie, sa créativité, toute sa drôlerie... enfin je ne sais pas, je ne veux pas en mettre trop, mais cest un film, cest une sorte de chef duvre. Cest pas celui-là LE chef duvre, ce nest pas mon préféré. Cela dépend de chacun en fait, chacun peut trouver dans Starewitch ce qui lintéresse et dire cest celui-ci que je préfère, mais ... donc en 28, LHorloge magique...
Olivier Catherin : Ce sont souvent des contes quand même... Il y a souvent de lhumour...
Béatrice Martin-Starewitch : Oui, beaucoup dhumour, enfin beaucoup dhumour... mais cest toujours une pointe, il y a toujours une petite pointe dhumour, une petite pointe de coquinerie. Là, toujours un tout petit peu. Cest un réalisateur pour tout public. Chacun voit ce quil veut. Alors vous me dites des contes ?
Olivier Catherin : Oui, ce sont souvent des contes ou des fables.
Béatrice Martin-Starewitch : Soit des fables des autres, par exemple La Cigale et la fourmi de Krilov, ou bien Reineke Fuchs daprès Goethe, ou bien Le Rat de ville et le rat des champs de La Fontaine, ou bien une adaptation dune vieille légende chinoise, Les Yeux du dragon, mais ce sont aussi des créations tout à fait personnelles... LHorloge magique...
Olivier Catherin : Oui, mais même quand ce sont des créations personnelles, je veux dire, ce ne sont pas forcément des adaptations, mais, même dans ses créations personnelles le film prend souvent la forme, en fait, dune fable...
Béatrice Martin-Starewitch : Toujours, toujours. Et même quand on analyse son uvre... ce qui est très important, pour luvre, pour lire un film de Starewitch, est daccepter de se replonger dans le regard dun enfant. On passe à la partie fantaisie du monde de Starewitch par le regard dun enfant. Dans La Voix du rossignol, cest une petite fille qui nous fait entrer dans le monde des oiseaux. Dans La Reine des papillons, cest une petite fille qui sauve une chenille et qui deviendra la reine des papillons. Et il y a toujours létape du sommeil qui permet dentrer dans le monde de lenfance, mais de lenfance totalement consciente de la réalité et qui ne veut garder, qui ne montre ou qui ne vit que la partie la plus riche de lhumanité, cest-à-dire la plus généreuse, la plus belle. Je ne vois rien de négatif dans luvre cinématographique de Starewitch.
Olivier Catherin : Il faut dire peut-être, préciser, que tous les films danimation quil a fait sont des films de marionnettes, dans lesquels parfois on voit des personnages en prises de vue réelles, dont ses enfants... Ses filles !
Béatrice Martin-Starewitch : Ses filles ! Comme en Russie avec Mosjoukine ou bien les autres grandes actrices russes, il y avait de lanimation et des acteurs vivants... Quand il est arrivé en France, il a utilisé... En Russie, Irène, son aînée, a tourné dans un film qui sappelle Le Lys de Belgique et qui est une fable sur la paix en fait. Et quand il est arrivé en France, Irène et ma mère surtout, Nina, tournent dans les films durant les années 20. Puis Irène sest tournée vers la réalisation pour être la collaboratrice de mon grand-père ; Nina, elle, a pris une autre direction, a suivi une autre vie. Mais cest vrai que pendant très longtemps, le travail de réalisation des films, a été le fait de mon grand-père, ma grand-mère pour les costumes, Irène et Nina. Et Pierre [Courtet] ma volé mon terme de " bénédictin ", qui nest pas le mien, qui est celui, je crois, de Charles Ford. Un Cohl bénédictin, plus un Starewitch bénédictin, plus Reynaud bénédictin, je crois quon va monter notre abbaye (rires) en sortant dici !
Olivier Catherin : Racontez-nous un peu comment est né Le Roman de Renard, puisque cest une expérience assez étonnante ! Dabord cest le premier long métrage danimation en France, et puis cest une entreprise très ambitieuse et qui a eu un destin curieux puisque le film nest sorti que dix ans après sa réalisation...
Béatrice Martin-Starewitch : ... en France, oui. Alors Le Roman de Renard, à plusieurs titres, cest très intéressant. Cest le premier long métrage. Il a eu dautres projets à ce moment (Gulliver en 1929, Création en 1930) mais qui nont pas été réalisés. Premier long métrage avec les premières grandes marionnettes. La marionnette la plus grande de LHorloge magique fait à peu près trente-cinq / quarante centimètres, Bertrand, et après on a vraiment des marionnettes plus grandes, le lion du Roman de Renard fait quatre-vingts centimètres. Alors il faut bien comprendre quil ny a pas de marionnettes de taille humaine parce que, malheureusement, on sait peu de choses sur Starewitch et, de journaliste en journaliste, derreur en erreur, au fil des années, on a véhiculé lidée que, à cause de la trick photo quil faisait lui-même, puisquil était assez coquin, il y avait des personnages, des marionnettes, qui étaient aussi grandes que lui. Mais non, non, ce nest quune photo truquée. Quand on le voit, quon voit ma tante qui lisse les moustaches du lion géant et mon grand-père assis à côté du lion géant, cela nexiste pas. La plus grande marionnette fait quatre-vingt centimètres et cest le lion. Les proportions étaient respectées par rapport à celles de la nature, et il y avait suivant les plans trois ou quatre types de marionnettes. Il y avait la toute petite pour le plan lointain qui faisait à peu près cinq à six centimètres ; il y avait treize - quatorze centimètres pour le plan moyen et pour les gros plans, les marionnettes comme le lion, quatre-vingts centimètres. Donc ce film, premier long métrage et malheureusement unique et, deuxièmement, la première fois quil y a des marionnettes de grande taille.
Alors pourquoi ce film na t-il pas été diffusé tout de suite ? Il a été fait en dix-huit mois, contrairement à ce qui est écrit au générique : dix ans. Il a fallu dix ans pour quil sorte en France mais il a été fait en dix-huit mois, cest dire la différence entre quinze mètres de Lucanus Cervus et deux mille cent mètres en dix-huit mois pour tout faire, le scénario, ladaptation, les marionnettes, le tournage, tout, tout, tout [sauf la sonorisation qui était du ressort du producteur Louis Nalpas], cest un travail gigantesque qui ne peut être réalisé que par quelquun qui maîtrise totalement son art.
Serge Kornmann : Cela paraît très court comme délai...
Béatrice Martin-Starewitch : Cest très court, cest très, très court. Alors, Irène était sa collaboratrice, et ma grand-mère faisait les costumes, ma mère aussi ; mais ils travaillaient tout le temps et ils avaient aussi des trucs. Par exemple il y avait plusieurs petits renards parce que cétait plus facile de faire plusieurs renards que de changer leurs vêtements.
Olivier Catherin : Comment est venue lidée en fait...
Béatrice Martin-Starewitch : du Reineke Fuchs ?
Olivier Catherin : Lidée du film du Roman de Renard.
Sylvie Saerens : Dadapter,
Olivier Catherin : Est-ce que vous savez un petit peu pourquoi il a adapté ce texte ? Et comment sest monté le projet, parce quon a dû le regarder un peu bizarrement en disant " Je voudrais faire un film qui dure presquune heure ", non ?
Béatrice Martin-Starewitch : Oh non pas du tout ! Si vous lisez la presse, tout le monde attendait. Chaque fois quil y avait des présentations de deux minutes de rush du film de Starewitch, tout le monde attendait.
Olivier Catherin : Oui, mais il faut convaincre des producteurs quand même, parce quil a fallu mettre de largent !
Béatrice Martin-Starewitch : Non, non, il na pas à convaincre des producteurs Starewitch, ah non, non.
Olivier Catherin : Même pour le long métrage ?
Béatrice Martin-Starewitch : Même pour le long métrage, il ny a pas de problème parce que tout le monde attendait. Par contre, pourquoi a t-il voulu réaliser ce long métrage ? Quand on regarde les affiches, il navait fait jusquà présent que des courts métrages, cest-à-dire des films dune demie heure au maximum, et cétait des films daccompagnement ; alors je pense que son désir de long métrage, est venu de sa volonté davoir son nom à laffiche pour un long métrage. Ne plus être en dessous, en complément de programme.
Olivier Catherin : mm, mm...
Béatrice Martin-Starewitch : Voilà, je crois que cétait une des causes du long métrage. Mais cétait aussi quil était capable de faire des films de long métrage ! Et puis quil était très attendu.
Olivier Catherin : Et donc finalement pourquoi ce film nest-il sorti quen 41 en France ?
Béatrice Martin-Starewitch : Parce que le producteur a fait faillite. Mon grand-père a tourné le film pour Louis Nalpas et il la tourné pour que ce soit un film sonore, La Petite Parade [le film précédent] avait déjà été sonorisé. Le Roman de Renard allait avoir une bande son, Nalpas a tablé sur le disque et le disque a fait faillite. Donc le temps de refaire surface, il sest passé dix ans. Tandis que Le Roman de Renard, version allemande, avec une voix off et un montage différent marchait très, très bien en Allemagne et ailleurs, Le Roman de Renard restait au placard et mon grand-père a mis dix ans à récupérer les droits et à pouvoir le sortir. Avec Roger Richebé, il a fait une version sonore pour laquelle il a dû retourner des plans daccompagnement, cétait en 39-40... Le film est sorti en 41, il y avait la guerre, il y avait un contexte qui a fait quil na pas eu laudience quil aurait dû avoir.
Depuis sa restauration, depuis 1990, ce film a fait plus dentrées quil nen avait fait à lépoque. Mais il est à noter, et je trouve que cest très important, quen dépit du fait que Nalpas ait mis mon grand-père dans lembarras avec léchec de ce Roman de Renard sur lequel il y avait eu beaucoup dinvestissements, ils sont toujours restés amis, et quand Nalpas a lancé sa première yaourtière, la première a été pour Starewitch. Donc, les relations humaines dominaient plus que les relations commerciales... et Pierre disait que...
Pierre Courtet-Cohl : Quest ce que jai dit...
Béatrice Martin-Starewitch : (rires) quEmile Cohl nétait pas un commerçant, que cétait un artiste, cest valable pour tous les grands génies. Ce nest pas parce quil y a un échec quon va en vouloir à la personne avec laquelle on a beaucoup travaillé. Ce qui nest pas la même chose que davoir des relations un peu tendues avec des gens qui, après, veulent commercialiser des choses et faire de largent sur votre dos, ça cest différent et il ne faut pas trop mélanger.
Olivier Catherin : Rassurez-nous, Ladislas Starewitch nest pas mort dans la misère ?
Béatrice Martin-Starewitch : Il nest pas mort dans la misère, non ; parce quil ne dépensait pas beaucoup ; mais il a travaillé jusquà la fin de sa vie. Il est mort en 65, je pense quil tournait Comme Chien et chat le dernier film ; daprès ce que je retrouve dans mes boites de nitrate, jusquen 63 il a dû continuer à travailler. Moi, je me souviens quon allait aux tables de tournage tous les jours, mais daprès les papiers cela ne semblerait pas possible. Donc il faut voir les archives, les chercheurs, etc... Jai limpression quon a dû travailler jusquau bout, mais les archives écrites ne le confirment pas encore.
Il nest pas mort dans la misère, non. Mais il a vu à partir des années 30 et de la montée du cinéma américain, de la demande américaine, sa créativité freinée par des éléments extérieurs et il a été obligé daccepter de mettre un frein à sa fantaisie parce quelle faisait peur, aux enfants par exemple, parce quelle était hors norme américaine et que pour vendre à létranger, on lui demandait : " Vous enlevez ça, vous enlevez ça, vous enlevez ça " et ça, je crois que pour un créateur ça doit être quelque chose de terriblement frustrant, plus que le manque dargent. A mon avis...
Pierre Courtet-Cohl : Mais ça, ça existe encore, je pense à Michel Ocelot,
Béatrice Martin-Starewitch : Ah oui, et son soutien gorge.... enfin pas celui de Michel Ocelot, (rires dans le studio) celui de la maman de Kirikou, oui, oui...
Pierre Courtet-Cohl : Hélas, peut-on dire.
Olivier Catherin : On va peut-être refaire une petite pause musicale. Tout à lheure je nai pas dit quon avait entendu Carlos Gardel... maintenant on va peut-être écouter Mistinguett qui aurait pu croiser ces trois hommes finalement...
Béatrice Martin-Starewitch : Oh mais, Mistinguett a certainement croisé Starewitch parce que dans Le Rat de ville et le rat des champs, la petite souris, cest Mistinguett ! Alors je pense que la liaison est fabuleuse.
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Olivier Catherin : Maintenant jaimerais savoir comment vous avez découvert vos ancêtres, ces personnages. Je suppose que cest déjà enfant, certains dentre vous ont connu leur ancêtre dautres non, en tous les cas il était présent dans lhistoire familiale... Béatrice Martin-Starewitch vous avez bien connu votre grand-père ?
Béatrice Martin-Starewitch : Oui, je lai bien connu. Mais je voudrais dire deux ou trois petites choses. Dabord, il est mort dans son lit, chez lui, et Irène, sa fille qui a travaillé toute sa vie avec lui, est morte elle aussi chez elle dans son lit. Cest quelque chose dont je suis très fière...
Olivier Catherin : bien,
Béatrice Martin-Starewitch : davoir réussi à garder Irène dans la maison, le studio, qui était devenu un musée et que malheureusement en tant que nièce je nai pas pu préserver puisque la législation sur les héritages, etc..., fixe les droits à 65 %. Nous avions un musée de tout le matériel conservé, que jai dû démanteler après le décès de ma tante. Mais ils sont tous les deux morts chez eux, premièrement. Ensuite, avant de mourir, il y a une relation entre Starewitch et Emile Cohl : on dit que cest en voyant Les Allumettes
Pierre Courtet-Cohl : animées,
Béatrice Martin-Starewitch : animées que Starewitch aurait été passionné danimation. Et il y a aussi une relation avec Reynaud : le musicien ?
Sylvie Saerens : Gaston Paulin,
Béatrice Martin-Starewitch : Gaston Paulin, pianiste, illustrait de façon musicale et donnait un thème récurrent aux personnages, comme a fait Starewitch plus tard. Quand les films sont devenus sonores, chaque personnage était reconnaissable par la musique qui collait à sa peau. Et la deuxième chose cest que, très soucieux de son public, Reynaud adaptait sa projection à ce public et Starewitch faisait quasiment pareil. Il décomposait le mouvement, mais sil voyait quil fallait enlever une phase parce quelle brisait lesthétique ou sil fallait en rajouter deux ou trois pour améliorer lesthétique, il nhésitait pas. Donc, entre ces trois hommes là il y avait énormément de liens. Et, pour revenir à Emile Cohl, dans Zanzabelle à Paris, on voit un dessin, mon grand-père en a fait une vitrine, un crocodile qui est un hommage à Emile Cohl et une autre vitrine que jai, représente un couple qui est en train de se taper dessus à coups de parapluie. Cest du Emile Cohl tout craché, donc lhommage à Emile Cohl a été constant dans sa pensée.
Ensuite, Henri Langlois, quand il venait à la maison !
Olivier Catherin : Chez vous aussi !
Béatrice Martin-Starewitch : Quest ce quil faisait ? Il sasseyait dans le fauteuil de mon grand-père et repoussait le fauteuil à roulette et disait : " Le fauteuil du..., je suis dans le fauteuil du Maître ! " (rires) Et moi qui était toute petite, je me disais : "Il nest pas maître décole ! ". Cest là que jai compris que le mot maître avait deux sens.
Oui, jai connu mon grand-père puisque de 56, de 56 à 65, jai vécu avec lui et que le soir en revenant de lécole, je faisais mes devoirs au fond du studio pendant quil travaillait à sa table de tournage et quand il avait besoin dune petit main, eh bien, japportais ma petite main.
Olivier Catherin : Vous viviez avec les personnages de ses films ?
Béatrice Martin-Starewitch : Oui, oui mais sans en avoir une réelle conscience parce que moi je pensais quil samusait. Vraiment, jétais très crédule, je pensais... moi je travaillais et, lui, il jouait. Il y avait un petit quelque chose, un petit décalage qui nallait pas.
Il échangeait mes jouets contre les siens. Enfin, il me disait : "Oh, ça, ça mintéresse !" Enfin, quoique cétait un homme extrêmement silencieux, donc, il me disait, il me montrait une de mes poupées, il men montrait une à lui, et puis on faisait léchange. Donc cétait très intéressant. Mais, cétait un homme extrêmement silencieux et très observateur. Le soir, cétait rituel, en automne, pas en été, mais en automne et surtout en hiver, quand je revenais de lécole, on sasseyait au bord de la fenêtre, et il ouvrait la fenêtre, il donnait du pain aux oiseaux. Les oiseaux venaient toujours sur son bras prendre les miettes de pain, ils venaient toujours sur son bras avant de redescendre sur la margelle de la fenêtre pour prendre les miettes ; ça, cétait extrêmement impressionnant. Une fois il ma emmenée dans le jardin avec une grosse loupe et il ma montré comment enflammer, mettre le feu à quelque chose. Il ma appris à planter des tomates et à observer les vers de terre. Mais tout ça dans un extrême silence. Depuis jai rencontré quelques personnes, puisquavec mon mari on a fait beaucoup de recherches, entre autres quelquun que vous avez peut-être connu, Monsieur Pierre Khun. Et Monsieur Khun ma dit : "Mais votre grand-père parlait très bien français ! ". Il me la dit il y a à peu près une dizaine dannées. " Comment ça parlait très bien le français, mais à moi il ne ma jamais parlé que russe ! " Cest pour cela aussi que quand je suis allée à Moscou à Noël, tout le russe que javais entendu mest revenu et je comprenais tout ce que les gens disaient, sans pouvoir dire un mot parce que je ne parlais pas, en tant quenfant on ne parle pas ; ça, cest extraordinaire ! Je lui dois ça. Avoir appris une langue sans le savoir.
Serge Kornmann : Mais sans vous embarrasser, on trouve dans lEncyclopédie du cinéma russe la note que Starewitch est vraiment un cinéaste russe, un point cest tout. Alors quand on recopie ça, nest ce pas... Ah non, cest pas du tout ça. Jamais il na eu la nationalité exclusivement russe ou polonaise...
Béatrice Martin-Starewitch : Il avait la nationalité polonaise...
Serge Kornmann : Est ce que cétait par suite de loccupation en France ? Ou bien...
Béatrice Martin-Starewitch : Il a toujours eu la nationalité polonaise...
Serge Kornmann : polonaise... finalement cest ça... ça a moins dimportance maintenant...
Béatrice Martin-Starewitch : Irène a toujours gardé la nationalité polonaise, elle est née à Kovno et ma mère est née à Moscou. Elle, par son mariage, est devenue française et... très heureuse de lêtre.
Serge Kornmann : Comme vous avez dit tout à lheure " citoyen du monde " ! Cest ça finalement !
Béatrice Martin-Starewitch : Oui ce sont des questions qui ne sont pour moi pas très importantes parce que quand je suis allée à Moscou, les gens ont dit " Mon Dieu, mon Dieu, mais il est russe ! " et puis après ils ont dit " Il est un génie ! " et puis quand je suis allée en Lituanie, on ma dit " Il est lituanien ! ", puis en passant par la Pologne " Mais cest un Polonais ! " et puis en France, si on fait un timbre sur lanimation ! Je me dis " Ils vont le fourrer où ? " Ils vont le mettre en France ou pas ? Vous comprenez, ce nest pas très important, quoique, pour lui... Si cest très important pour moi, parce que jai beaucoup darchives, alors, vous avez des lettres que vous pouvez lire Pierre, même si lécriture est difficile, mais moi, il faut que je trouve traducteur dallemand, traducteur de russe, traducteur de lituanien. Pour le livre qui est presque fini et qui va paraître bientôt dès quon aura trouvé un éditeur, il a fallu trouver toutes sortes de traductions, de traducteurs pour ne pas dire trop de bêtises et pour essayer dêtre le plus juste possible, le plus chercheur et historien crédible possible pour éviter de rajouter dans les erreurs. Mais en général entre le livre, la thèse qui a été faite par ce Polonais et qui était à la base dinterviews de mon grand-père intitulée LEsope du XXème siècle [WL adisL as Jiewsiewicki: Esop XX wieku, Wladislaw Starewicz pionier filmu iaikowego i sztuki filmowej, Varsovie, Wydawnictwa Radia i Telewizji, 1989, 231 pages et photographies], entre la traduction du journal de mon grand-père, ce nest pas un journal, ce sont des pensées, Pamietnik, des souvenirs et tout ce quon a fait traduire de droite et de gauche, ... il reste tous les scénarios à traduire, il reste beaucoup de lettres, il reste des kilos et des kilos de papiers. Mais ce sont des choses qui ne seront jamais traduites, qui vont partir dans un dépôt pour lavenir.
Olivier Catherin : Est ce que vous pouvez nous expliquer un peu ce que vous faites, donc vous avez les droits sur les films...
Béatrice Martin-Starewitch : Oui.
Olivier Catherin : Je sais quil existe aussi un site Internet. Racontez-nous un petit peu ça.
Béatrice Martin-Starewitch : Jai toujours vécu avec mon grand-père, jai toujours vu ma tante préserver cette uvre. Quand mon grand-père est mort en 65, il mavait... on était descendu dans le jardin tous les deux, il mavait envoyée chercher toute sa collection doiseaux et danimaux empaillés et on a brûlé tout ça dans le jardin. Monter deux étages, les redescendre... avec ces bêtes, cétait tragique. Mais il restait les films. Alors ces films étaient en nitrate et chaque année, pendant toute ma vie, de six ans à... jusquà ce que je les dépose, justement, à la Cinémathèque, cétait en 88 je crois, tous les ans, on aérait les films. Cest-à-dire des kilomètres et des kilomètres de films, on les passait dun rouleau sur lautre, en enlevant le noyau central pour que le nitrate puisse jouer. Cest pour cela quon a pu les garder et que la qualité du matériel que nous avons est remarquable. Mais ces films sont déposés dans des centres spécialisés parce quil est dangereux de conserver et de travailler le nitrate. Donc, ... je restaure la partie film et mon mari, historien, soccupe plutôt de la partie archives en vérifiant et analysant la documentation originale. En 91 le Festival du cinéma danimation dAnnecy a rendu hommage à mon grand-père et a édité une filmographie issue de ces archives confrontées à la bibliographie de lépoque. Cest donc le premier travail crédible qui a été écrit. Ensuite, dautres personnes comme Xavier Kawa-Topor, historien du Moyen-âge, Jean-Pierre Pagliano ou bien Michel Roudevitch ont écrit des choses après sêtre documentées, qui sont des choses vraies. La connaissance de Starewitch se fait donc maintenant de cette façon là. Bon, il y a aussi un site Internet : http deux slash perso point wanadoo point fr slash ls slash. Toutes les orthographes sont possibles...
Olivier Catherin : Vous tapez Ladislas Starewitch sur un moteur de recherche, vous trouverez !
Béatrice Martin-Starewitch : Voilà, ce site est actualisé régulièrement et vous pouvez y voir ce que nous faisons justement. Mais ce qui est remarquable, cest quau fil du temps, jai pu restaurer des films grâce à ces droits dauteur. Jai les droits des films donc les télévisions, certaines télévisions, LaSept ma acheté Le Roman de Renard ce qui ma permis de restaurer des courts métrages, puis LaSept, mayant acheté des courts métrages, ma permis den restaurer dautres. Et cest une institution à laquelle je voudrais dire encore merci. Depuis le temps, depuis 91 les choses ont changé, LaSept est devenue Arte donc cest déjà plus difficile parce que la décision nest plus uniquement française, mais jai actuellement une opportunité qui me permet de restaurer Les Grenouilles qui demandent un roi, 1922, 437 mètres dimages merveilleuses, fable de La Fontaine adaptée, ce sera un petit bijou qui va être prêt très, très bientôt puisque les cartons sont à limpression, puisque le marron est fait, etc... Jai retrouvé dautres films, des fins de films qui me manquaient, et des petits morceaux de projets de film sur Starewitch... Je dis que jai retrouvé parce que tous mes nitrates, il faut les voir et comme vous trois, je pense, je suis comme vous, cest-à-dire que le cinéma, cest le soir, le week-end, les vacances, parce que nous sommes salariés par ailleurs pour vivre. La restauration des films est quelque chose qui sauto finance et parfois même il faut en mettre...
Pierre Courtet-Cohl : oui, de sa poche...
Béatrice Martin-Starewitch : Bon, donc..., ça cest très important. Jai retrouvé, cela veut dire que jai eu le temps daller dans mon stock, à la Cinémathèque, de payer 204 francs de lheure pour visionner mes films, quelques heures... Quand on considère quil faut des heures et des heures de travail, cest quelque chose, cest un luxe. Préserver luvre de sa famille, cest un luxe ! Et moi, je pense que je suis dépositaire dune uvre, ce nest pas pour moi que je le fais. Jai, mettons, je ne sais pas moi, soixante ans de vie, mais il y a un moment donné où cest le patrimoine, où Starewitch cest le patrimoine culturel européen, mond...
Pierre Courtet-Cohl : mondial, oui, comme Reynaud et Cohl,
Béatrice Martin-Starewitch : Malraux, lavait dit et il avait raison, comme pour Cohl, et comme pour Reynaud, je ne suis quen transit, je nai pas le droit de faire de la censure, même si je trouve que des Starewitch sont moins bons que dautres, je les restaurerai quand même. Donc, voilà, ma position vis-à-vis de cette uvre est simple, cest de la préserver au maximum, que ce soit la partie film ou la partie marionnette, que je restaure également et que je présente ; et les expositions me permettent daller petit à petit dans la préservation de cette uvre.
Olivier Catherin : LAssociation des Amis dEmile Reynaud publie aussi une lettre...
Sylvie Saerens : Nous publions un petit bulletin de liaisons, on essaye den faire quatre numéros par an. Ce nest pas toujours facile, parce que comme disait Béatrice, il faut le faire sur son temps de loisir. Emile Reynaud nous prend beaucoup de temps sur nos loisirs, en recherches en bibliothèque, en préparation de ce bulletin, récolte darticles... Voilà, cest bien, il faut le faire parce queffectivement cest un patrimoine, il faut quEmile Reynaud soit connu, parce quil nest pas très connu. A la limite, il est plus connu au Canada, aux Etats-Unis quen France, ce qui est quand même dommage...
Pierre Courtet-Cohl : Pardon, cest la même chose pour Emile Cohl !
Sylvie Saerens : Oui, ça console !
Béatrice Martin-Starewitch : Il y a un site en coréen sur Starewitch !
Olivier Catherin : A propos de site, je voudrais citer le site des Indépendants du Premier Siècle où on peut trouver la biographie des trois...
Pierre Courtet-Cohl : Nous appartenons tous les trois à cette association.
Olivier Catherin : Vous faites tous les trois partie de cette association, donc ladresse du site cest www.lips.org. Cest facile à retenir, vous aurez des tas de renseignements sur ces trois réalisateurs, comme sur dautres. En matière danimation, il y a par exemple Lortac qui fait partie de lassociation aussi.
Malheureusement lheure tourne, on est très en retard ; donc on va faire une nouvelle petite pause musicale avant de se retrouver avec Marina Feodoroff pour les brèves et puis, je pense, comme on a tellement de choses à dire, quon essayera de faire une autre émission... pour compléter, pour terminer.
Si vous souhaitez poursuivre cette conversation, vous pouvez poser vos questions directement à : ladislas.starewitch@wanadoo.fr